lundi 8 décembre 2014

Poison

(bande de papier sandwich unryu/alu de 8cm sur 8m)

La présentation un brin provoc' de Victor Coeurjoly lors de la convention de Lyon laisse des marques. Pour moi, c'est l'opportunité de formuler la cause du malaise que j'éprouve parfois à la vue de certains de mes pliages: le sujet importe autant que la technique, ben voui. J'espère que cette présentation éveillera chez certains l'envie de plier des modèles qui racontent des choses, voire qu'elle empoisonnera un peu les esprits... comme l'ergot du seigle :


Ce petit champignon noir pousse sur les épis de diverses céréales et est (historiquement du moins) à l'origine de délires hallucinatoires, de maladie et de mort puisqu'il ne contient pas que le précurseur naturel du LSD, mais aussi toute une série d'alcaloïdes toxiques. Il est aussi vraisemblablement une source majeure de superstitions liées à la sorcellerie et des persécutions en découlant, ce qui rend le folklore occidental plus "intéressant" - c'est moche, mais d'innombrables artistes lui doivent donc une certaine gratitude.

Le pliage est réalisé à partir d'une seule bande de papier biface, format qui se prète bien à la narration, à condition que la nature longiforme du sujet s'impose graphiquement. Ses replis courbes ne m'ont pas été inspirés par ceux des modèles abstraits de Stephan Weber, mais m'y font bien penser.


C'est assez ironique, mon premier modèle d'épi me plaisait bien en termes techniques, mais l'incorporation plus ou moins heureuse d'un papillon (la bestiole origamique s'attirant les foudres de Victor par excellence) me mettait un peu mal-à-l'aise, sans que je puisse en identifier une raison. A posteriori, c'est pourtant évident, épi et papillon n'évoquent le mythique Âge d'Or qu'indirectement; par rapport à l'exercice technique, la composante narrative est à la traine.

Rien de ceci ne signifie qu'il est illégitime de plier des trucs jolis ou compliqués qui ne racontent rien (je continue à tirer beaucoup de plaisir de ces aspects-là du pliage aussi), mais que c'est insuffisant pour consacrer le pliage en art à part entière.

(aluminium/unryu sandwich strip, 8cm by 8m)

Victor Coeurjoly's presentation at the Lyon conference was seen as provocative by quite a few people. As far as I was concerned myself, he nailed the cause of the dismay I feel sometimes when looking at one of my own models - once somebody has spelled it out for you, it seems so evident: what your model means matters. I hope that Victor's talk will successfully poison other minds... just a little bit like the rye ergot :


That little black fungus has manifested itself throughout history and is responsoble for delirious hallucinations, illness and death, as it not only contains the natural precursor of LSD but also other various toxic alcaloids. It also appears to be a major source of superstitions linked to sorcery and the persecution which followed, thus making western folklore quite more "interesting" than it could have been - quite horrible, but it's still a really rich source of inspiration.

The model's been folded out of a single bicoloured paper strip, a format which lends itself well to narration, provided the subject is naturally long-ish. The curved spiralling lengths of the model resemble some of the abstract models folded by Stephan Weber, though there was no conscious influence.


It's ironic, really, my golden age model was pretty much to my taste, technically speaking, but the inclusion of a butterfly (Victor's origami Nemesis, haha) did raise mixed feelings, but I never really understood why until this talk. But now I think it is because neither element of that model really clearly evoques a mythical Golden Age - yes, it's hinted at, but it's not as obvious as I'd like.

None of this means that one shouldn't spend their spare time folding butterflies and other more or less cute things (I sure will too), but most of these models which bear no meaning certainly won't contribute to turn origami into a full fledged art form.